CHARRON VILLAGE COURAGEUX
Dans la nuit de samedi à dimanche la mer que nous aimons tant habituellement est venue comme une folle tout dévaster dans notre village.
Moi qui vous écris je suis une épargnée de la catastrophe ma famille ma maison mon entreprise rien n'a été touché. Rien a été touché en apparence seulement.
Cette mer folle et déchainée par les vents de la tempête après avoir déferlé violemment sur les maisons à sa hauteur, est venue vers trois ou quatre heures du matin encercler notre ilot de survie puis s'est répandue sur une dizaine de kilomètres à l'intérieur des terres noyant fermes animaux et les champs à perte de vue.
Notre terrain surélevé de quelques petits mètres de plus que les autres maisons nous a permis de ne pas être envahis. Alors dimanche au lever se fut la consternation de voir la mer à une vingtaine de mètres juste en face de nous, nous qui sommes bien au sec.
Non je n'ai pas vu d'eau pénétrer en traitre et sans bruit chez moi pendant mon sommeil. Non je n'ai pas vu mes vitres éclater et je n'ai pas été prisonnière d'un mur d'eau sombre et froide chargé de détritus. Non je n'ai pas failli me noyer ni été blessée prise dans cette espèce de folle machine à laver. Non je ne me suis pas retrouvée à la rue à moitié dévêtue glacée et horrifiée. Non je n'ai pas perdu la vie. Non je n'ai pas perdu de parent ni d'enfants. Non je n'ai pas perdu certains biens précieux qui font le souvenir de toute une vie. Non je n'ai pas perdu ma maison mon entreprise mes animaux. Non je ne suis pas obligée d'être relogée et dépendante des autres en train de brasser le malheur répandu sur le sol boueux de ma maison.
Pourtant je suis profondément choquée. Choquée de voir mon village éventré massacré et ravagé. Choquée de voir les victimes jetées hors de chez elles, ces gens tout ces gens ici que je connais bien et aussi ceux que je ne connais que de vue, choquée de les voir si malheureux, durement éprouvés, épuisés et pourtant occupés à retrousser leurs manches pour sauver quelques miettes de leur vie.
Je suis choquée par ce soudain et violent malheur qui a frappé si fort et fait perdre des vies d'une façon horrible et révoltante. Choquée de savoir ce à quoi notre famille a échappé.
Mais je suis aussi en colère contre l'imprévoyance de cette inondation au vu des conditions conjuguées de vents violents et fort coefficient de marée. Je suis en colère que l'on laisse construire des maisons là où elles n'auraient jamais du se trouver. Je suis en colère contre les responsables irresponsables qui tournent le dos à la mer et font semblant d'ignorer qu'elle ne peut être retenue par des digues ridicules et mal entretenues.
La peine ici est lourde à porter et pèse sur nous tous comme une chape de plombs.
Aujourd'hui cinq jours sont passés, aujourd'hui va être un jour encore plus douloureux pour une famille en particulier et pour nous tous aussi.
J'ai réalisé à quel point j'aime mon village, et à quel point j'aime les gens d'ici.
Marge